Gardien d’un nom bicentenaire, Lionel Aeschlimann, Associé gérant Senior du Groupe Mirabaud, secoue les habitudes avec une vision où l’héritage n’exclut ni l’audace, ni l’innovation.
Quand Lionel Aeschlimann s’exprime, les mots fusent. Mais sans jamais dégager la moindre tension. Il a cette manière très à lui d’accélérer la pensée tout en apaisant le dialogue. Peut-être parce qu’il vient du droit. Peut-être parce qu’il pratique le sport avec le même esprit de jeu qu’il insuffle à sa carrière: de l’engagement, des règles, mais surtout du plaisir et de la découverte.
Dès ses études, ce fils d’entrepreneur biennois est animé par une admiration profonde pour les idéaux du multilatéralisme. Cela le conduit naturellement vers un cursus de droit international. Sa rigueur de juriste ne bride pas sa liberté de penser. Au contraire: «Le droit permet d’avoir les pieds sur terre et la tête dans les étoiles.» Il structure, mais il pousse aussi à anticiper le changement, à imaginer l’avenir. Lionel Aeschlimann revendique un attachement profond aux droits humains, à la culture, et à tout ce qui contribue à faire avancer la société.
Avocat de formation, Lionel Aeschlimann se passionne au début de sa carrière pour le droit bancaire, un domaine alors peu développé au sein de l’Etude qu’il rejoint, Schellenberg Wittmer, aujourd’hui l’un des leaders du secteur. Il en devient rapidement associé, puis le destin veut que la maison Mirabaud figure parmi ses clients et lui offre une opportunité singulière. Le Collège des Associés, déjà attentif à son profil, l’invite à rejoindre le Groupe. Il intègre le comité exécutif, prend ses marques, puis identifie une mission de transformation clé: structurer différemment les activités du groupe. Nous sommes en 2010. Deux ans plus tard, Mirabaud Asset Management est né. Il en deviendra le CEO, tout en ayant accédé au cercle très fermé des Associés gérants du Groupe dès 2011.


Son empreinte ? Un passage d’une organisation en silos géographiques à une structure plus transversale, par ligne de métiers: wealth managementet asset management deviennent alors les deux piliers qui soutiennent la vision de la maison familiale bicentenaire. Une transformation profonde,guidée par la conviction que la structure influence les comportements. Et que l’on dirige mieux quand on est aligné. «Le modèle du partnership est parfaitement adapté à des maisons de gestion comme Mirabaud. Nous sommes les gardiens éphémères de cette institution, avec la responsabilité de la transmettre aux prochaines générations.»
Dans un monde financier où le court terme fait loi, cette vision patiente détonne. Elle s’accompagne d’une volonté de solidité rare: «Nous sommes littéralement prêts à payer pour assurer la stabilité et la pérennité de notre Maison. Les dépôts de nos clients dans notre bilan ne sont pas investis pour compte propre. Ils sont déposés à la BNS ou à la BCE, même lorsque les taux étaient négatifs, ou placés à très court terme en obligations liquides de première qualité.» Un choix qui reflète l’essentiel: «Nous n’avons finalement que trois actifs fondamentaux: notre nom, nos collaborateurs, nos clients. Nos intérêts sont par conséquent complètement alignés avec ces derniers.»
Cet équilibre entre tradition et modernité est au cœur de sa pensée stratégique. Pour Lionel Aeschlimann, respecter l’héritage n’implique pas de figer l’institution: «Il faut être capable de regarder vers l’avenir, sans renier ses valeurs ou sa culture.» Cette posture guide sa volonté d’intégrer les nouvelles technologies dans l’asset management d’abord puis dans l’expérience bancaire, sans jamais en sacrifier la qualité relationnelle. Moderniser, oui, mais dans le respect du lien humain, du conseil sur mesure et du rythme propre à chaque client.


Ce n’est donc pas un hasard s’il a fait de l’art contemporain l’une des expressions de son engagement. Un art qui interroge, provoque, secoue, où le traditionnel se confronte au nouveau. «Ces artistes vivent dans le futur. Ils créent des choses qu’on ne comprend pas toujours sur le moment, mais que l’avenir révèle comme visionnaires.» Dans les bureaux genevois de Mirabaud, les tableaux de Shirana Shahbazi, artiste iranienne exilée en Allemagne à l’enfance, prennent part à l’interview. Il les regarde avec tendresse. «Acheter un Picasso quand on a beaucoup d’argent, c’est facile. Soutenir de jeunes artistes, cela représente un vrai engagement. Cela nourrit la culture, pique la curiosité, génère des discussions, stimule la pensée, suscite l’émotion. Bref, cela place notre humanité au centre.»
Chez lui, les convictions se mêlent toujours à l’humilité. Et si l’on devait résumer sa vision de la finance, ce serait peut-être ainsi: «La finance, comme la paix, repose sur la confiance. C’est aussi simple que cela. Et aussi fragile que cela. La confiance est tout.»
Un regard philosophique, résolument humble et tourné vers l’avenir, qui n’oublie jamais l’essentiel.