Depuis son ouverture en 1910, le Musée d’art et d’histoire de Genève a bénéficié d’un entretien régulier, sans toutefois connaître de véritable rénovation. En 2025, l’institution plus que centenaire dévoile son futur visage, avec le projet architectural «UMWELT».
Avec le projet «UMWELT», Genève accueillera bientôt son nouveau Musée d’art et d’histoire. Signé par deux bureaux genevois, CABINET Fanny Noël Diogo Lopes Architectes et l’architecte-paysagiste Atelier Plum, ainsi que l’entreprise d’ingénierie civile AFRY Suisse SA, le premier prix du concours international d’architecture organisé par la Ville de Genève pour l’agrandissement et la restauration du MAH propose une réflexion sur leMusée de demain au cœur de la ville. A la fois ambitieux et raisonnable, il combine des objectifs d’urbanisme durable, de respect du patrimoine architectural et d’adaptation du musée aux enjeux contemporains. Il a été sélectionné à l’unanimité par un jury composé de professionnels, de représentants des institutions et de la société civile en mai dernier.
Un dialogue avec l’environnement
«UMWELT» (ndlr. environnement en allemand) propose un dialogue subtil avec l’existant, considérant que le MAH se définit non seulement par son enveloppe mais aussi par les relations établies avec ce qui l’entoure. Le but étant de tirer parti des structures actuelles, le projet respecte le caractère patrimonial de l’institution tout en lui apportant un souffle nouveau.
En phase avec les défis de notre temps, «UMWELT» se distingue par sa stratégie végétale ambitieuse, comme l’expliquent ses architectes Fanny Noël et Diogo Lopes : «Nous allons tripler le taux de canopée autour du musée, en reliant le musée au quartier de Rive et la promenade de l’Observatoire via les deux cours transformées en jardins vivants. Grâce à ces aménagements, une surface verte équivalente à celle du parc des Bastions verra le jour, offrant de nouveaux espaces de qualité pour la population genevoise. La nouvelle structure favorisera aussi l’accès aux personnes à mobilité réduite, avec la création de pentes plus douces qui mèneront jusqu’au pied du musée.» Tel un dialogue entre le contenu et le contenant, la nouvelle architecture permettra ainsi de répondre aux ambitions du musée avec la création d’un parcours de visite continu. Pour Marc-Olivier Wahler, directeur du MAH, «le visiteur pourra ainsi passer d’un espace d’immersion à un lieu de recherche, d’un moment de contemplation à un moment de participation active. L’architecture devient un dispositif d’expérimentation du futur muséal. Elle n’est pas seulement un écrin pour la collection, mais surtout une membrane vivante qui interagira avec elle. Les espaces ont été pensés pour s’adapter à des formes culturelles évolutives: expositions, résidences, performances, formats hybrides. Le bâtiment n’imposera donc pas de cadre, pas de parcours, mais respirera avec le contenu. Il s’ajustera à lui comme un organisme sensible, tout en prolongeant notre réflexion sur le musée multifréquence®: un lieu où coexistent des vitesses, des usages et des intensités différentes.»
D’art et d’histoire
Œuvre majeure de l’architecte Marc Camoletti (1857-1940), le musée a été inauguré en 1910. Dans l’histoire de Genève, on a souvent comparé ce chantier à celui de la cathédrale Saint- Pierre. Pourtant, son intégration dans le tissu urbain n’a jamais été concrétisée. Plus de cent ans après l’inauguration du MAH, «UMWELT» s’inscrira ainsi dans la suite logique du projet de réaménagement de Rive et de la volonté de reconnecter la ville haute à la ville basse, par la redéfinition paysagère de la promenade de l’Observatoire.
«Au cœur de la cité, le MAH est un bâtiment classé, ceint par deux bou- levards hautement fréquentés, ce qui représente de nombreux défis ur- banistiques, logistiques et patrimoniaux. L’heure est à la phase d’études, et le début des travaux devrait intervenir en 2030» informe Christian Pesch, directeur de la Direction du patrimoine bâti de la Ville de Genève. L’agrandissement du musée sera permis par l’adjonction de l’îlot voisin. Les bâtiments existants seront rénovés et de nouveaux espaces d’expo- sition seront créés. Des salles seront ouvertes sous les toitures et dans les étages des anciennes écoles des Casemates et des Beaux-Arts, qui prolongeront le périmètre du musée au-delà du bâtiment Charles-Gal- land. Un foyer public s’ouvrira sur le passage Burlamachi.
À l’heure actuelle, le MAH expose seulement 3% de sa collection et l’un des enjeux majeurs du nouveau musée est précisément de rendre visibles les œuvres qui dormaient dans les réserves. «La nouvelle architecture permettra une présentation beaucoup plus fluide et transversale, faisant dialoguer les arts, l’horlogerie, l’archéologie et l’histoire. Les ré- serves seront en partie visibles, et certaines collections – comme les arts décoratifs ou les instruments scientifiques – trouveront enfin des espaces dédiés. Ce ne sera pas tant une question de quantité exposée, mais de circulation du regard» précise Marc-Olivier Wahler.
De nouveaux formats
Nous sommes en 2035, les travaux sont terminés. Marc-Olivier Wahler nous ouvre les portes du nouveau MAH. Le directeur décrit un lieu «plus poreux, traversé par des formats qui ne se limitent plus à l’exposition. Des laboratoires, des conférences performatives, des studios ouverts, des collaborations avec des écoles, mais aussi des moments de repos, de silence, de réflexion. Le MAH de demain est un lieu d’hygiène de l’esprit, où l’on peut aussi bien apprendre que désapprendre, expérimenter d’autres manières d’être ensemble. Il n’y a plus de séparation entre les usages: un même espace peut accueillir une œuvre, une discussion, une pause, une projection. Chaque recoin semble traversé par une même pulsation, une énergie créative, comme si le bâtiment lui-même partici- pait à l’élan collectif. Tout respire, tout se reconfigure en permanence. Le musée n’impose plus un parcours, il s’écoute comme une fréquence vivante, en résonance avec la ville et le temps présent.»
