A Rome, Cartier crée le mythe

Au cœur de la Ville éternelle, Cartier expose, jusqu’au 15 mars 2026, ses trésors inspirés de l’Antiquité et de la mythologie.

Tandis que le soleil réchauffe les sept collines de la Ville éternelle de son inimitable faisceau orangé, les vitrines du Palazzo Nuovo aux Musées du Capitole scintillent, en cette fin d’année, d’une lumière particulière. A Rome, le plus vieux musée du monde offre un écrin antique, historique et plus que précieux à l’exposition Cartier e il Mito (ndlr. Cartier et le Mythe). Après l’inoubliable Cartier Design viewed by Ettore Sottsass au Palazzo Reale de Milan en 2002, la Collection Cartier revient donc en Italie, avec une sélection exquise de 200 pièces, dont 30 révélées pour la première fois au public. 

Un dialogue multidisciplinaire

Fruit d’un important travail scientifique conduit par l’historienne Bianca Cappello, l’archéologue Stéphane Verger, ainsi que le surintendant du musée du Capitole, Claudio Parisi Presicce, Cartier e il Mito présente un opéra immersif dans lequel bijoux, montres et objets précieux dialoguent avec les sculptures et artefacts antiques issus des collections du Palazzo Nuovo et d’autres institutions italiennes. Organisée en deux volets, l’exposition s’ouvre sur les débuts de Cartier en 1847, qui ont vu naître les premiers designs d’inspiration gréco-romaine, et se poursuit avec un focus sur le début du 20e, époque durant laquelle l’Antiquité était à nouveau très en vogue dans les domaines de l’art, de la culture, de la mode et de la joaillerie. 

Ouverts en 1733, sous l’impulsion d’Alessandro Gregorio Capponi et du pape Clément XII Corsini, les Musées du Capitole regorgent de trésors, en particulier les statues de la collection du Cardinal Alessandro Albani. Datant de l’Antiquité, elles fournissent une toile de fond millénaire où figures mythiques et trésors joailliers se répondent avec une poésie inédite. Dans cet écrin aussi étroit que fragile, le défi fut de taille. C’est d’ailleurs « la première fois qu’une exposition Cartier prend place dans les galeries permanentes d’un musée. Avec Cartier e il Mito, le statut artistique des créations de la maison est pleinement réaffirmé » souligne Pascale Lepeu, directrice de la Collection Cartier. 

Passage de siècle

Déterminante dans la construction du style Cartier, la culture gréco-romaine a beaucoup influencé Louis Cartier, notamment dans sa manière de considérer la beauté : héritée de l’ancien, claire, harmonieuse, équilibrée et intemporelle. 

Symbole de renouveau, l’Antiquité a toujours séduit le monde lorsque celui-ci faisait face à des transitions. Lorsque la maison Cartier est fondée en 1847, l’Antiquité était très à la mode en raison notamment du développement de l’archéologie. A l’aube du 19e siècle, il n’était donc pas étonnant que ce passé idéalisé, fait de puissance et de légendes déiques, ait inspiré les créatifs de l’époque en quête de modernité. « Louis Cartier était d’ailleurs un grand collectionneur d’art néoclassique du 18e siècle, notamment de dessins, dont de nombreuses vues de Rome », informe Louis Ferla, Président et CEO de Cartier.

Des codes stylistiques marquants

Joaillier des formes et des symboles, Cartier puise dans l’Antiquité une part essentielle de son vocabulaire esthétique. Temples, colonnes, obélisques, amphores, urnes, bassins, fresques ou encore frises géométriques sont transposées tantôt sur une broche, tantôt sur une tiare, une bague, ou un accessoire précieux. Le monde végétal irrigue lui aussi la création avec des feuilles de lierre, d’olivier, de laurier ou du raisin. Côté faune, le bestiaire de Cartier se révèle lui aussi être un héritage antique, à travers la figure mythique de la chimère, ou celle de la panthère, qui apparaît dès les années 1920 sur des bagues et des bracelets.

En plus d’une importante utilisation de pierres plébiscitées dans l’Antiquité, comme le lapis lazuli, le corail et le porphyre rouge, Cartier réinterprète à l’époque certaines techniques, telles que le travail de la mosaïque et de l’or, à travers des médailles évoquant les pièces de monnaie, ou encore la gravure en creux (intaglios). Prisés par les cours européennes, les camées figurent également parmi les œuvres emblématiques du joaillier. On retrouve ainsi un camée qui aurait appartenu à Napoléon III, et qui représenterait Dionysos sous les traits de la comtesse de Castiglione, maîtresse de l’empereur. Une broche Cartier de 1899 figure également un profil casqué d’Athéna sur camée en acier, entouré d’un cadre en argent émaillé de motifs renaissance, symbolisant la vertu et à la cité.

Le diadème occupe une place de choix tout au long de la visite. Symbole de pouvoir, il était aussi bien porté par la noblesse que par les dollar princesses, ces riches Américaines de la fin du 19e et du début du 20e siècle qui épousaient des membres de familles européennes titrées, échangeant fortune contre prestige. Parmi les pièces exceptionnelles à voir, la tiare de Marie Bonaparte réalisée en 1907 par Cartier pour son mariage au prince George de Grèce, exposée non loin d’un buste du 4e siècle.

Synesthésique mise en scène

Comme les bijoux, le mythe matérialise et colore ce qui est intangible. Dans cette optique, Cartier a fait appel à une figure majeure du cinéma italien, Dante Ferretti, qui signe une immersion scénographique audiovisuelle en début de parcours muséal : « Le mythe constitue à la fois une source d’inspiration et un idéal à atteindre, parfois même à surpasser. Habillé de miroirs et de projections de mes croquis, l’escalier symbolise ce chemin vers le mythe, incarné par la suite par les extraordinaires bijoux Cartier.» 

Cartier e il Mito est de ces expositions qui mobilisent tous les sens, et notamment l’odorat : la visite est ainsi enrichie par les parfums Cartier, créés par la parfumeuse Mathilde Laurent. Vénus, Héphaistos et la Panthère accompagnent le récit de certains mythes, créant un véritable dialogue olfactif qui prolonge l’expérience sensorielle de l’exposition. Dans la mythologie, la panthère est d’ailleurs le seul animal qui sent naturellement bon, tandis que le sang de Vénus exhale le parfum de la rose. Comme les bijoux, le parfum prépare donc le corps et l’esprit à la rencontre de l’art et du mythe. 

A l’image de Rome, l’histoire de Cartier ne s’est pas faite en un jour. Dans ce musée à ciel ouvert, Cartier e il Mito reflète ainsi l’apport précieux du temps à toute chose. Comme une invitation à l’exploration de nos perceptions, de notre imaginaire collectif, et de notre empreinte humaine sur le monde.

Cartier e il Mito ai Musei Capitolini

Jusqu’au 15 mars 2026

museicapitolini.org

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