Des champs de coton mexicains aux top models parisiens, en passant par les cacaoyers ivoiriens, le CEO de Banque Heritage cristallise plus d’un siècle de tradition entrepreneuriale.
A Genève, nous sommes reçus dans l’imposant siège de la banque Heritage, une bâtisse élégante aux accents coloniaux, fusion subtile d’histoire et de modernité. L’accueil est impeccable, tout comme l’atmosphère qui règne ici : un équilibre entre discrétion et efficacité. À l’image de Marcos Esteve lui-même.
D’un naturel simple et direct, il a l’entregent de ceux qui n’ont rien à prouver. Pourtant, derrière cette humilité se cache un esprit affûté et pragmatique, forgé par un parcours singulier qui l’a mené bien au-delà du cadre familial avant qu’il ne revienne au bercail.
L’histoire familiale de Marcos Esteve remonte à plus de six générations. D’abord négociants en coton, sa famille a su évoluer au fil des décennies, diversifiant ses activités dans le café et le cacao. Banque Heritage, qu’il dirige aujourd’hui, est directement née des activités de négoce. Fondée en tant que family office chargé de la gestion du patrimoine familiale, elle est devenue une banque en 2004.
Dès son plus jeune âge, Marcos Esteve a donc été plongé dans l’univers du négoce. Mais pas le négoce sans visage qui occupe aujourd’hui l’imaginaire collectif. L’activité familiale prenait ses sources directement dans la terre et l’accompagnement des producteurs. Il a vite appris que le commerce ne se limitait pas à l’achat et à la vente, mais reposait sur un véritable partenariat avec ceux qui cultivent les matières premières. Un destin étroitement lié qu’il faut nourrir au quotidien. Aider un producteur à financer sa récolte, lui fournir les connaissances nécessaires pour améliorer sa production, et l’accompagner vers la pérennité ont façonné son approche entrepreneuriale, aujourd’hui au cœur de sa vision de la banque.
Mais avant de revenir dans le business familial, Marcos Esteve a voulu explorer d’autres horizons. Il a notamment été directeur financier d’Elite, la plus grande agence de mannequins du monde. Une expérience haute en couleurs qui lui a appris que le business, qu’il s’agisse de coton, de cacao ou de talents, repose avant tout sur la relation humaine.
« Dans une agence, votre client, ce n’est pas le photographe ou le créateur, c’est le mannequin. Sans lui, rien ne se fait. En banque, c’est pareil : comprendre la personne derrière les chiffres est la clé. »
L’histoire familiale est omniprésente chez lui, non pas comme un poids, mais comme une source d’inspiration. Il appartient à la sixième génération et sa famille, dispersée entre l’Europe et les Amériques, compte aujourd’hui plus d’une centaine de membres. Récemment encore, il s’est rendu aux États-Unis pour une grande réunion familiale.
« Maintenir le lien, c’est perpétuer la tradition entrepreneuriale. Une famille, c’est comme une entreprise : sans vision commune, elle se dilue. »
Né en Suisse, de racines catalanes et américaines, il a grandi dans un foyer où l’on parlait espagnol avec les parents, français entre frères et sœurs, et anglais dans le monde des affaires. Une richesse culturelle qui lui a donné une ouverture d’esprit et une capacité d’adaptation précieuses dans le monde bancaire.
Ce qui frappe chez Marcos Esteve, c’est la clarté de ses réponses. Direct, efficace, il va droit au but, sans détour ni fioriture, mais toujours avec un ton de velours. S’il a pris la tête de la banque, c’est après avoir longtemps repoussé l’échéance, préférant accumuler une expérience extérieure avant de revenir dans le giron familial. Aujourd’hui, il porte une vision où la relation humaine prime sur la simple gestion d’actifs financiers.
« Être banquier aujourd’hui, c’est être un véritable « solution provider », intégrant l’histoire, les ambitions et les contraintes du client pour bâtir des solutions durables et adaptées à sa trajectoire financière et personnelle. »
Malgré son agenda chargé et ses journées qui pourraient « ne jamais se terminer », il garde un rapport direct avec les éléments naturels à l’origine de sa dynastie. Son exutoire ? La cuisine. « J’adore cuisiner. Je vais au marché, je vois ce qui m’inspire et je me lance. La cuisine, c’est le partage », confie-t-il.
Une philosophie qui reflète son rapport au monde : des racines solides, un regard pragmatique et une volonté de transmission et de partage.
Pour lui, le succès ne se mesure pas en chiffres, mais dans la capacité à construire quelque chose qui dure.
« Il n’y a pas de ligne d’arrivée, seulement une pierre à poser chaque jour. »
Son nom est étroitement lié à la banque qu’il dirige, mais son héritage, il le forge bien au-delà des murs de cet édifice. Les valeurs, les relations et la vision à long terme. Il est là, son héritage avec un grand H.


Propos recueillis par Sherif Mamdouh