Quelles ont été les étapes marquantes de votre parcours ?
«Diplômée de l’EHL en 1995, j’ai débuté ma carrière à Paris dans le marketing et la vente, convaincue que l’hôtellerie est avant tout un produit qui se vend. J’ai ensuite voyagé aux États-Unis, où j’ai occupé différents postes de direction, notamment pour le groupe Rosewood. Après le 11 septembre, j’ai choisi de revenir en Europe. De retour à Paris, le côté opérationnel de l’hôtellerie me manquait. J’ai donc accepté le poste de directrice adjointe à l’Hôtel du Louvre, puis celui de directrice générale du Radisson Champs-Élysées. Après cela, l’ouverture du Grand Hôtel de Bordeaux a été une étape clé de mon parcours puisque j’ai pu participer à la naissance d’un projet hôtelier et choisir ma propre équipe.
C’est au Connaught, à Londres, que j’ai véritablement compris ce que signifiait l’hospitalité de luxe: l’excellence au service d’une clientèle exigeante et fidèle, dans un lieu empreint d’histoire. Par la suite, j’ai pris la direction du Beau-Rivage Palace à Lausanne pendant sept ans, avant de rejoindre les Swiss Deluxe Hotels il y a un an.»
Quelle est votre mission à la tête des Swiss Deluxe Hotels ?
«Ma mission est de promouvoir l’hospitalité de luxe en Suisse et à l’international. Berceau de l’hôtellerie et des plus grandes écoles du secteur, notre petit pays abrite 43 établissements de très haut standing, ce qui en fait une destination unique au monde. Je dois m’assurer que la qualité de tous nos établissements continue à respecter nos critères de qualité qui sont très strictes.
La crise du Covid a mis en lumière notre responsabilité humaine et la nécessité de mieux accompagner les équipes. C’est pourquoi nous réfléchissons au lancement d’une plateforme RH commune, afin de renforcer l’attractivité de nos métiers et de garder nos talents en Suisse. Selon moi, l’hôtellerie reste un puissant ascenseur social. Il faut montrer que cette profession peut être humaine, inspirante, moderne, durable. Enfin, mon rôle est de créer des synergies avec les autres acteurs du luxe et de proposer à nos membres des plateformes d’échanges et d’inspiration.»
Qu’est-ce que le leadership selon vous ?
«Je suis arrivée à ce poste au bon moment: avec le recul nécessaire pour transmettre, et l’énergie de continuer à faire évoluer notre secteur. Aujourd’hui, j’ai acquis suffisamment d’expérience pour pouvoir parler de mes erreurs. Pour moi, le leadership, c’est inspirer, guider, influencer autour d’une vision commune. Ce n’est pas une question d’autorité. C’est savoir s’adapter, être exemplaire, et faire confiance. C’est placer les bonnes personnes au bon endroit, et créer les conditions pour qu’elles donnent le meilleur d’elles-mêmes. Finalement le leader est un chef d’orchestre: il n’est pas forcément le plus expert, mais il a cette vision d’ensemble, harmonise les forces pour faire naître quelque chose de grand.»
«Pour moi, le leadership, c’est inspirer, guider, influencer autour d’une vision commune. Ce n’est pas une question d’autorité.»

Comment définiriez-vous l’hospitalité helvétique ?
«Oui, il existe une manière typiquement suisse d’accueillir. La Suisse est une terre d’excellence à tous les niveaux, et cette réputation mondiale — de qualité, de sérieux, de sécurité — bénéficie directement à notre hôtellerie. Depuis toujours, on vient chez nous pour se ressourcer et se soigner. Aujourd’hui encore, l’hospitalité helvétique repose sur un subtil mélange d’excellence, d’authenticité et de discrétion. Avec la capacité d’être simple quand il le faut.»
Quelle est votre définition du mot servir ?
«Servir, ce n’est plus obéir: c’est offrir une expérience, avec sincérité et générosité. C’est une vocation. C’est faire plaisir à l’autre… et y trouver soi-même du plaisir. C’est s’adapter, personnaliser, incarner les valeurs d’un lieu, d’un pays. C’est transmettre un savoir-faire avec excellence et discrétion.»
Quelles sont les tendances de l’hôtellerie de luxe ?
«Le bien-être, mental ou physique. Le nouveau luxe, c’est le temps pour soi. Pour un hôtel il ne s’agit plus simplement de disposer d’un spa, mais de proposer des expériences holistiques encadrées par des experts. Au-delà de la reconnexion à soi, on observe également un retour des séjours multigénérationnels, synonymes de reconnexion aux autres. Il s’agit aussi d’hyperpersonnalisation et de proposer des expériences uniques et authentiques. On est vraiment sur l’émotion.»
Quels sont les nouveaux défis ?
«Comme évoqué précédemment, le défi RH reste le plus important. L’hôtellerie de luxe évolue dans un monde en plein bouleversement. Certains métiers ont profondément changé: la digitalisation a par exemple fait disparaître le rôle de concierge dans de nombreux quatre étoiles. Dans les cinq étoiles, ce rôle persiste, mais se concentre désormais sur des demandes plus complexes. L’un des défis majeurs est aussi celui du développement durable: nos clients ne sont pas réfractaires à l’écologie, mais attendent de la cohérence, et surtout une liberté de choix. Il faut trouver un équilibre entre luxe et responsabilité, sans tomber dans le greenwashing. Il faut faire des choix stratégiques alignés avec l’identité et l’âme de chaque maison.»