Bel Air Fine Art: Interview de Philippe Shangti & François Chabanian

Interview exclusive pour COTE magazine de l’artiste Philippe Shangti et de François Chabanian, fondateur et CEO des galeries Bel-Air Fine Art.

Philippe Shangti, quels liens entre luxe et luxure dénoncez-vous dans vos concepts de Dîners? Le luxe, implique-t-il nécessairement une part d’ombre selon vous ?
«L’inspiration me vient de Saint-Tropez, j’ai grandi dans la restauration et je voyais ces mises en scène de dîners, ces moments si importants entre amis, en famille, que j’ai voulu mettre en scène. Mes dîners se sont déclinés au gré de mes idées et rencontres. On retrouve dans pratiquement toutes mes créations les sept péchés capitaux, faisant appel à la luxure, mais également à l’orgueil, à l’avarice… qui sont les ingrédients de mes réflexions créatives.»

Pourquoi est-il important pour vous d’exposer cette face cachée du luxe ?
«Ce qui a toujours compté pour moi était le fait de dénoncer le déni. Je crois que ce qui compte dans nos vies est d’être en pleine conscience. En se cachant les choses, on perd du temps, on se fait du mal, la vie passe. Ce qui compte est d’avoir une vie complètement ouverte, sincère, libre, et pour cela l’on doit se regarder en face. Je veux aider l’humain à le faire.»

En tant qu’artiste, vous fréquentez des soirées, le beau, peut-être le paraître voire le superficiel: comment préservez-vous votre personne des travers du luxe ?
«Je suis un observateur, je ne suis pas acteur quant à ces symboles de luxe, je reste en retrait. Mon style de vie, ce sont les montagnes d’Andorre ; je ne bois pas, je ne fume pas, je goûte, pour être dans la participation et ne pas être en retrait, mais je ne consomme pas.»

Votre départ pour Andorre, est-il un moyen de vous préserver ?
«Je suis parti vivre dans les montagnes après dix ans de Saint-Tropez qui furent intenses. On est dans le superlatif du m’as-tu vu, la clientèle tropézienne vient pour se faire voir et se sentir briller. Pour moi, cela a été un vivier d’inspiration. J’ai fait énormément de création pendant dix ans, puis soit je me perdais – car à un moment donné, tu as vraiment fait le tour et je me sentais oppressé – soit je me retirais.»

François Chabanian, certains artistes comme Philippe explosent, d’autres restent anonymes, y-a-t-il des facteurs clés de succès pour un artiste aujourd’hui ?
«Le facteur le plus important est qu’une carrière se fait sur le temps long. Le travail pour qu’un artiste devienne reconnaissable se compte en décennies; la décennie est l’unité temporelle de l’art. Philippe a explosé, mais c’est un travail qu’il a réalisé sur douze ans. Il s’est imposé le rythme – élevé – de créer une collection par an. Une année permet d’avoir une respiration, de l’inspiration, de dessiner ses story-boards et trouver des idées, jusqu’à un point culminant: un shooting, qui dure une journée. Il y a toute cette maturation derrière l’œuvre qu’ont les grands artistes. C’est un recul. La cote de Philippe s’est faite parce qu’il a construit son image, avec un fil conducteur – l’humain – et des collections comme les sept péchés capitaux ou Art versus drugs. Et c’est devenu culte, on reconnaît un Philippe Shangti.
Ensuite, il n’y a pas de grand artiste sans marchand derrière. Plusieurs groupes de galeries ont permis à Philippe de sortir des restaurants de Saint-Tropez dans lesquels il était exposé, pour présenter ses œuvres à côté d’artistes exposés depuis des années. Les galeries sont des lieux beaucoup plus codés, et la mayonnaise a pris. Son succès fut une mise en commun de compétences: je n’ai pas son talent, mais je sais organiser des expositions et parler à des collectionneurs. Lorsque j’ai exposé Philippe, les visiteurs de nos galeries se sont reconnus dans ses clichés. Avec 25 galeries, on a une certaine puissance; on fait le marché, on ne suit pas le marché.»

La cote de l’art est influencée par des investisseurs, peut-on distinguer l’art pur de l’art commercial ? Le second, peut-il mettre en péril le premier ?
«Je m’inscris en faux sur deux choses: tout d’abord, il n’y a pas d’art pur et commercial. Quand vous allez dans les foires dites d’avant-garde comme Art Basel ou Frieze (ndlr: Londres), vous avez des œuvres conceptuelles: elles se vendent, c’est commercial, vous pouvez acheter ces œuvres. Il n’y a pas d’art commercial. Enfin, «la cote de l’art est influencée par les investisseurs»: non. Non, ce qui fait la valeur d’une œuvre d’art, c’est l’offre et la demande. Philippe fait partie d’un marché, j’en suis un acteur. Dans notre créneau, les gens achètent au coup de cœur, ils veulent posséder cet objet spécial qui nous remue, qui réjouit notre âme, qui nous fait nous poser des questions… c’est ça, le vrai rapport avec l’art.
Les œuvres de Philippe, alors qu’elles prennent de la valeur tous les ans, n’ont pas été achetées pour investir, elles ont interpellé, interrogé, valorisé… les gens ne se disent pas «je vais investir dans un Shangti», il se disent « j’ai envie de vivre au quotidien avec cette œuvre», on est que dans l’émotion artistique.
L’investissement vient après, ce n’est pas la clé du début. La clé est toujours l’achat au coup de cœur. Le paramètre ‘investissement’ est évidemment important, c’est là où la galerie doit faire son travail d’exposition et de promotion sur le long terme, afin de mériter la confiance du collectionneur.»

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