Haute joaillerie : l’or bleu du Sri Lanka

Au cœur du Sri Lanka, c’est autour de Ratnapura, la «cité des Joyaux», que s’étendent les terres bénies du saphir. Entourée de plantations de thé, la ceinture gemmifère se déploie le long de la route qui mène au majestueux Adam’sPeak, montagne sacrée abritant l’empreinte de Bouddha. Entre Kolomé, Elahera et Ratnapura, les premières cabanes apparaissent au bord des routes sinueuses. «Simples abris de bois et de bâches noires, elles signalent les puits, souvent invisibles aux non-initiés, parfois dissimulés pour écarter les mauvaises énergies. Les grandes mines, elles, se cachent loin, au fond de la jungle humide. On y accède par des sentiers bordés d’ananas, de théiers, de jacquiers, sous les cris des singes. Là, un bouddha veille à l’entrée d’une galerie artisanale, protégée par les dieux. Trois hommes y travaillent, lampes à huile au poing, descendant dans la terre argileuse sur des troncs glissants. À côté, une mare sert au tri: pieds nus dans l’eau, gestes précis en ronds de huit, les paniers en rotin révèlent parfois des trésors. Mais le plus souvent, la mine reste muette. Quitter cette forêt, c’est comme s’arracher à un rêve. Les chemins s’entrelacent, indéchiffrables pour qui n’a pas grandi ici, sur cette île de pierres, de pluie et de feu.» me racontent Juliette Cornu-Gouzée de Harven et Romain Dolbeau, deux amis gemmologues à leur retour de voyage.

Le bleu Ceylan et le Padparadscha

Comme nous l’apprend Romain, «la production sri lankaise des saphirs reste largement artisanale. Un choix soutenu par le gouvernement, qui préfère préserver ce modèle plutôt que céder la terre à de grandes compagnies minières, comme c’est souvent le cas en Afrique. L’impact humain, écologique et économique s’en trouve transformé, avec une meilleure traçabilité à la clé.» Le saphir du Sri Lanka se distingue par son bleu vif et franc, appelé «bleu Ceylan» en référence à l’ancien nom du pays, ou «Cornflower Blue». Il possède un équilibre parfait entre saturation, brillance et clarté. Il doit sa réputation historique aux cours royales européennes qui l’appréciaient beaucoup. Très recherché également, le Padparadscha rose orangé rappelle la couleur du ciel sri lankais au coucher du soleil. Lors de leur périple, Juliette et Romain ont eu l’occasion de rencontrer un «burner». Il s’agit d’une personne spécialisée dans la chauffe des pierres. Prénommé Bobby, ce jeune homme de 25 ans pratique cette activité du fond du jardin de la maison familiale. Ils nous expliquent: «La technique de chauffe consiste à entreposer un lot de saphirs, généralement bruts, dans un contenant lui-même entreposé dans un creuset fermé et dans lequel est apporté une flamme qui va faire monter la température entre 1400°-1800°. L’objectif premier est d’améliorer la couleur de la gemme. Étape très délicate, la chauffe peu abimer irréversiblement les saphirs lorsqu’elle n’est pas bien exécutée.» «Le saphir sri lankais est aussi connu pour avoir moins d’inclusions, on dit alors qu’il est d’une grande pureté par rapport aux autres saphirs qui sont souvent beaucoup plus foncés et ternes» ajoute Juliette.

Une pierre qui a fait l’histoire

Le Sri Lanka est la plus ancienne source connue de saphirs, exploitée depuis l’Antiquité. Ses pierres précieuses ont voyagé de l’Inde au Moyen-Orient avant d’orner les bijoux byzantins, puis européens. L’île continue aujourd’hui d’être un acteur majeur, avec des découvertes emblématiques comme le Blue Belle of Asia, l’un des plus beaux saphirs jamais extraits. Parmi les plus célèbres au monde, plusieurs saphirs historiques proviennent du Sri Lanka: le Logan (423 carats), exposé au Smithsonian à Washington, ou encore le Stuart Sapphire (104 carats), enchâssé dans la couronne royale britannique. On relèvera aussi le spectaculaire Étoile de l’Inde (563 carats), le saphir de la reine Marie de Roumanie (478 carats), ou l’Étoile d’Adam, le plus grand saphir étoilé connu à ce jour (1404 carats). Plus récemment, deux trouvailles exceptionnelles ont marqué les esprits: la Queen of Asia (310 kg, 1,5 million de carats) et la Serendipity Sapphire, une grappe de 510 kg découverte par hasard dans un village près de Ratnapura. La renommée des saphirs de Ceylan n’est plus à faire. Leur origine est perçue comme un gage de qualité, tant par les professionnels que les collectionneurs. Symbole de loyauté, de ténacité et de fidélité, le saphir est aujourd’hui encore associé aux fiançailles. Bien avant l’essor du diamant initié par De Beers en 1947 avec la campagne «A diamond is forever», il était ainsi le choix de prédilection des amoureux…

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