Ces dix années de créativité féconde marqueront à jamais l’horlogerie. Décennie paradoxale avec l’avènement de designs forts, de chronographes de légende et d’une technologie révolutionnaire venue de l’Est qui a bien failli sonner le glas de l’horlogerie suisse.
Si les sixties débutent en 1960 sous le signe de l’électronique avec la Bulova Accutron, première montre à diapa- son et prélude à une autre révolution, ce sont vraiment de- sign et performance qui marqueront la décennie.
Côté design, Piaget établit l’utra-plat comme comble du chic dès 1960 avec son calibre 12P, alors le mouvement automatique le plus fin du monde. Une élégance classique et feutrée qui est l’apanage des hommes du monde. Mais le style s’autorise également quelques audaces avec la Crash de Cartier qui tord les codes dès 1967, ou la Golden Ellipse lancée par Patek Philippe en 1968. Une silhouette elliptique parfaitement équilibrée qui marquera durablement l’esthé- tique horlogère des années à suivre. Trois modèles qui sont toujours aujourd’hui des icônes de style.

London « Crash », 1967 Photo © Vincent Wulveryck Collection Cartier © Cartier
Mais les sixties peuvent aussi être considérées comme celles des chronographes de légende. Rolex lance sa Cosmograph Daytona en 1963, celle dont les «exotic dials» deviendront un peu plus tard les fameux «Paul Newman» toujours autant appréciés des collectionneurs. En 1965, C’est la Breitling Navitimer «Reverse Panda» qui appa- rait au poignet des pilotes alors qu’Omega présente son modèle Speedmaster qui sera choisi par la NASA pour accompagner sur la Lune les astronautes d’Apollo 11. C’est aussi l’année du lancement de la Memovox Polaris de Jaeger-LeCoultre, montre de plongée iconique dotée d’un mouvement manufacture avec sa fonction réveil. Enfin, 1969 restera dans l’histoire horlogère comme l’année des premiers chronomètres automatiques. La Zenith El Primero, chronographe intégré à haute fréquence battant à 36’000 alternances (précise au 10ème de seconde); la Heuer Monaco, cette montre au boîtier carré futuriste et son calibre 11, qui deviendra culte au poignet de Steve McQueen en 1971; ou encore la Seiko 6139 Speedtimer, moins connue mais qui est elle aussi montée dans l’espace au poignet de l’américain William Pogue.




Il faudra cependant attendre Noël 1969 pour assister à la véritable ré- volution horlogère. Le lancement du modèle Seiko Quartz Astron 35SQ, première montre bracelet à quartz. Et l’avènement d’une technologie inno- vante, cent fois plus précise qu’un mouvement mécanique standard, qui marque le début de la révolution/crise du quartz qui redessinera l’industrie horlogère des années 1970 et qui est encore aujourd’hui ressenti comme un traumatisme pour les horlogers suisses.
Les sixties, une décennie d’innovation et de design qui a profondément marqué l’horlogerie et produit plusieurs modèles qui restent encore au- jourd’hui parmi les plus collectionnés au monde. Une décennie contras- tée puisqu’elle a à la fois engendré certaines des plus grandes icônes de l’horlogerie mais a aussi été à l’origine de la plus grande crise qu’a connue notre industrie.

El Primero, un mouvement de légende
Le El Primero de la manufacture Zenith doit sa légende à son histoire mouvementée. Présenté le 10 janvier 1969, cette montre est équipée du premier calibre chronographe automatique à haute fréquence. Son nom tiré de l’Espéran- to affirme son rôle de précurseur, de leader. Le calibre 3019 PHC qui l’anime est un chronographe intégré, automatique, avec roue à colonne. Il bat à une haute fréquence de 5 hz, 36’000 alternances qui lui permet une précision au 10ème de seconde. Sa réserve de marche excède 50 heures. Côté cadran, il propose une petite seconde, un compteur de 30 minutes et un autre de 12 heures, ainsi qu’une date ins- tantanée. Il est réputé pour sa résistance, sa fiabilité et sa précision.
Son histoire aurait dû s’arrêter en 1975, quand Zenith dé- cide de stopper toute production mécanique face à la dé- ferlante du quartz. Mais c’était sans compter sur l’initiative d’un employé de Zenith, Charles Vermot, qui préserva en secret l’ensemble des documents et outils nécessaires à la production de ce calibre mythique et créa ainsi la légende. Relancé en 1984, il équipera des modèles Ebel, Panerai, Boucheron ou Daniel Roth, ainsi que les chronographes Daytona de Rolex, jusqu’à ce que le groupe LVMH décide de le réserver exclusivement à ses propres marques. Décli- né aujourd’hui en une vingtaine de références, intégrant les diverses complications, ce mouvement d’exception conti- nue à équiper les plus belles montres de la manufacture Zenith.

Zenith El Primero, 1969





