A la tête du Musée d’art et d’histoire (MAH) depuis 2019, Marc-Olivier Wahler compte bien faire passer l’institution plus que centenaire dans le 21e siècle. Plus vivant, plus interactif et plus intégré à la vie de la cité, le musée genevois a déjà entamé sa métamorphose. Entretien.
Quels ont été les moments marquants de votre carrière ?
J’ai commencé ma carrière en tant que conservateur au Musée des Beaux-Arts de Lausanne, puis ai participé à la mise sur pied du MAMCO. Parallèlement, j’ai fondé le Centre d’Art de Neuchâtel (CAN) en 1995, un projet mené par une équipe de bénévoles passionnés.
Après avoir dirigé l’exposition suisse de sculpture à Bienne dans le cadre d’Expo 0.2, j’ai été nommé à la direction du Swiss Institute à New York. De 2006 à 2012, j’ai dirigé le Palais de Tokyo, avant de fonder la Chalet Society à Paris. Puis, j’ai été nommé directeur du MSU Broad Museum de la Michigan State University avant de rejoindre le MAH en 2019.
Au cours des 25 dernières années, j’ai organisé plus de 400 expositions dans le monde entier, principalement en tant que directeur de musée / conservateur en chef, mais aussi en tant que conservateur indépendant.
Comment mettez-vous à profit cette expérience internationale ?
Depuis les débuts de ma carrière, j’ai tenté de répondre à la question suivante : comment habiter un lieu d’art ? Dans chacun de mes postes, j’ai essayé de penser le musée comme un véritable lieu de vie et de rencontre, au-delà d’un simple lieu d’exposition.
J’aime l’idée selon laquelle une venue au musée est le fruit du hasard. Par exemple au CAN, l’une des entrées demandait que l’on passe d’abord par un café pour accéder au centre d’art. Il en était de même au Palais de Tokyo dont les extérieurs sont appréciés des skateurs, ce qui pouvait attirer des visiteurs inattendus. La Chalet Society était de son côté une installation immersive, un écosystème où tout était pensé par des esprits créatifs.
Selon moi, le musée idéal ressemble au musée Beaubourg des débuts (ancien Centre Pompidou). Doté d’un bureau de poste, l’endroit attirait le public pour des motifs autres que les expositions. Le musée doit être un lieu où chacun se sent le bienvenu et peut s’approprier le patrimoine à sa manière.
Comment attirer de nouveaux visiteurs au MAH, en particulier les jeunes ?
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne faut pas réfléchir en termes d’offre mais plutôt en termes d’espace. Lorsque j’étais directeur du Palais de Tokyo, un article du Guardian a désigné notre musée meilleur spot de drague de Paris. Loin d’être une anecdote, je pense que le musée de demain est celui qui attirera une variété de visiteurs et d’expériences au-delà de l’offre artistique qui y est exposée.
Le MAH fonctionne comme un écosystème, avec différents formats et durées d’expos, des performances, des conférences ou des rencontres plus informelles. Nos afterworks rencontrent par exemple un beau succès, avec 800 et 1000 participants à chaque édition. Le visiteur peut donc venir quand il le souhaite au MAH, il y aura toujours des nouveautés. Ce genre d’initiatives nous a permis de rajeunir notre public, et de répondre aux envies plurielles de la population genevoise.
Votre ambition pour le MAH ?
Nous avons d’énormes ambitions et le MAH est le laboratoire idéal pour penser le musée de demain. Notre institution possède une riche histoire qui l’autorise à faire parfois un pas de côté afin de surprendre les visiteurs. Nous sommes d’ailleurs déjà un modèle d’étude pour d’autres institutions culturelles européennes.
Le visage du musée changera dans les prochaines années grâce au dernier projet d’agrandissement qui vient d’être lancé. Dans un monde où tout va de plus en plus vite, tout le challenge sera de proposer un concept qui ne soit pas obsolète dans une décennie, qui s’intègre à la cité et dont les Genevois.es soient fiers. Nous souhaitons réellement que ceux-ci se réapproprient leur musée.
Contrairement à la majorité des musées du monde qui fonctionnent de la même manière depuis le 20e siècle, le MAH proposera une expérience qui commence dès l’instant où le visiteur franchira la porte du musée. Le Musée d’art et d’histoire deviendra ainsi un endroit où l’esprit esthétique n’est plus incompatible avec l’esprit de consommation. Nous sommes d’ailleurs déjà en train d’installer des lieux multifréquences à l’intérieur et à l’extérieur du MAH : nous avons par exemple disposé des espaces de coworking ou de relaxation en face de certaines œuvres. En collaboration avec la Bibliothèque d’art et d’archéologie, nous souhaitons aussi intégrer davantage le livre dans le musée.
MAH
Rue Charles-Galland 2, 1206 Genève
+41 22 418 26 00
mahmah.ch