Inside International Geneva: notre rencontre avec Ivan Pictet

COTE Magazine s‘associe au Club diplomatique de Genève pour vous révéler la Genève internationale de l’intérieur. Notre rencontre avec Ivan Pictet.

Que représente pour vous la Genève internationale ?

J’ai de la peine à la distinguer de la cité dans laquelle je suis né et où j’ai passé une grande partie de mon existence. Avec sa taille de ville de province, son incomparable diversité en fait un lieu privilégié où il fait bon vivre. Petite ville certes mais Genève mérite son surnom de « ville monde ». Sa population étrangère de près de 40 %, ses 200 nationalités présentes, en font une ville internationale de premier plan. Cité de refuge depuis la Réforme, elle est devenue aujourd’hui la principale plateforme du multilatéralisme au monde.

Ceci est bien entendu grâce à la présence de l’Office des Nations Unies, ses quelques 40 agences et programmes et des centaines d’ONG. L’ONU a attiré nombre de multinationales du secteur privé, là encore Genève joue les premiers rôles avec une forte concentration de ces dernières. Sans oublier les organisations non-onusiennes mais jouant un rôle d’attractivité mondiale comme le CERN ou le World Economic Forum et bien entendu le CICR.

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En bref, Genève, forte de la neutralité de la Suisse, est avant tout un centre qui travaille ; un centre opérationnel pour les organisations internationales. La politique, bien mise à mal aujourd’hui, se faisant à New York. C’est ainsi que plus de 300‘000 délégués se rencontrent chaque année ici pour chercher des solutions dans le domaine de l’aide humanitaire, des droits de l’homme, du désarmement, des migrations, de la santé, des télécommunications, de l’avancée de la technologie ainsi que de la propriété intellectuelle, de l’aide au développement et des échanges commerciaux.

Alors comment ne pas apprécier ce travail titanesque, entraînant dans notre cité des sommités mondiales dans ces nombreux domaines d’expertise et fournissant au secteur privé dans lequel j’ai fait ma carrière, un capital humain inestimable ? Il est en effet courant que nos entreprises comptent dans leur personnel des dizaines de nationalités. C’est un atout considérable pour l’ensemble de l’économie genevoise.

Comment vivez-vous la Genève internationale ?

Intensément. Ayant exercé une profession dans le privé tournée vers l’étranger, j’ai eu le privilège de rencontrer des personnalités exceptionnelles ici à Genève et au cours des très nombreux voyages qui m’ont entraîné aux quatre coins du monde. A chaque fois, je m’étonnais de la notoriété de Genève, un atout économique considérable, et aussi j’étais heureux d’y revenir.

En dehors de mon métier, j’ai participé à de nombreuses associations tournées vers la Genève internationale ce qui m’a donné plus encore la mesure de son rôle primordial pour notre canton et pour la Suisse.

Mon engagement s’est particulièrement développé ces deux dernières décennies où j’ai eu l’honneur de présider la Fondation pour Genève, dont sont issues plusieurs institutions tels que le Club Diplomatique de Genève, le Cercle International, la Fondation Eduki et ses programmes éducatifs et quelques autres initiatives, toutes visant un partenariat public-privé pour l’accueil des étrangers et la promotion de la Genève Internationale. A ce titre, il faut relever l’intérêt accru, année après année, de la Confédération et de sa mission à Genève, et du gouvernement cantonal dans son rôle plus limité.

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J’ai aussi pu apprécier le travail de nos universités et ai contribué à la création d’un Centre de Recherche sur la Finance du Développement auprès de l’Institut des Hautes Etudes Internationales et du Développement, aujourd’hui doté de plusieurs chaires.

Mon projet le plus ambitieux est à bout touchant. Il s’agit du Portail des Nations : un vaste centre pouvant accueillir plus de 200‘000 visiteurs par an au Palais, dont l’ouverture au public se fera en juin 2025. Un lieu immersif et interactif où seront abordés les grands défis qui attendent les générations futures.

Mais en bref : vivre la Genève internationale signifie s’y impliquer, inviter des étrangers à sa table, participer à d’innombrables conférences et réceptions.Il faut y consacrer du temps et surtout y trouver du plaisir et le moyen de satisfaire sa curiosité.

Comment envisagez-vous l’avenir de la Genève internationale ?

Il est étroitement lié au bon vouloir des Etats membres des Organisations multilatérales. L’ordre mondial est en pleine mutation, vers ce que les spécialistes appellent une nouvelle réalité multipolaire. Le rôle que peut jouer la Genève internationale reste à mon avis intact. Il n’existe nulle part ailleurs cette diversité et cette concentration d’experts.

Un ami français me disait récemment après avoir vu l’imposante chaise de la place des Nations qui repose sur trois pieds, « comment ne pas y voir la représentation d’une gouvernance estropiée, instable, temporaire, vulnérable, mais qui reste debout !

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Quels que soient les contours d’une nouvelle gouvernance mondiale, Genève restera le haut lieu de la diplomatie. Le besoin de se parler continuera d’exister même sans possibilités immédiates de s’entendre. Le multilatéralisme finira par s’imposer à nouveau.

Les conditions cadre offertes par la Confédération et le canton resteront également déterminantes. Et notre conception de la neutralité, rediscutée actuellement, devra rassurer l’ensemble des nations. La neutralité reste en effet l’atout majeur du rôle de médiation dont dépend la Genève internationale.

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